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Cahiers Polymères

Trimestriel de Haute-Résistance du Simorgh du Gard

Cahier Polymère n°2

Publié le 5 Juin 2016 par Président SdG

Cahier Polymère n°2

"Les Cahiers Polymères" est une production Simorgh du Gard

Simorgh du Gard - 12 avenue d'Anduze - 30100 Alès (RNA : W301004301 / SIRET : 817 491 525 00017)

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DIRECTEUR DE PUBLICATION DES CAHIERS POLYMERES: Joseph Kacem

Format A5

Dos collé

72 pages

PRIX unitaire (hors frais de port): 9 euros

Sortie du numéro 2: Avril 2016

Trois tirages 30 ex chacun minimum sont prévus (sauf prévente)

Fiche de la BNF (Dépôt légal)

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Commander un exemplaire auprès d'amazon.fr

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SOMMAIRE DE CE NUMERO THEMATIQUE "Au coeur de la baston":

Michel Berre (cf. www.4acg.org) -> Un séjour en Algérie (1960-62)

Joseph Kacem -> La Chose

Pascal Nyiri (cf. www.ekodesgarrigues.com)-> Lettre à un ministre... + Lettre aux pères et mères de nos lois

Jonathan Deschamps -> Lutter pour quoi?

IL Aymé(e) Pawlowski (cf. www.francine-loeildusapin.blogspot.fr) -> Grève

Antonio Malacarne (cf. www.appendices.free.fr) -> [Sans titre]

Dominique Bertrand -> Quand le diable l'emporte

valérY meYnadier -> Saxyphrage

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-> S'abonner pour une année

-> Collectivités

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EDITO de ce second numéro:

Au cœur de la baston !

« Je cherche l'angle mort à la barbe des miradors,

La voie dérobée, le coin de cloison ébréché,

Le souterrain mal fouillé dont les sentinelles ont égaré la clef, […]

Je cherche l'angle mort, le vrai bug, le faux-raccord,

L'anti-mouchard, l'antidote, l'anticorps,

La doublure, le doublon, canon scié dans le double fond,

Le faux-fuyants, le mirage

Dans lequel les chiens de garde n'apercevront que leur image. [...]

Au départ des courts-circuits, au croisement des contraires,

Au carrefour des massacres, au point d'impact des colères,

A contre-courant envers et contre toutes les muselières,

A périphérie des genres, au cœur des poudrières.

Je cherche l'angle mort. »*

Cit. Hamé & Casey

L'écriture est une pathologie sans rémission. Comme pour toute pathologie incurable, il n'y a ni pause ni interruption dans les symptômes.

L'écrivain est toujours immergé dans la matière du monde qu'il métabolise en phrases. Il est incapable de subsister dans ce monde qu'il réclame, s'il n'écrit pas. Pourtant, il n'est jamais réellement présent dans ce monde qu'il tente de formuler, comme pour se dire : « j'appartiens aussi à ce monde-là ». Son extrême sensibilité l'a rendu littéralement obsessionnel quant à la nécessité de formuler ce qu'il vit, voit et perçoit.

Paradoxe : il est soumis à la frayeur de l'exclusion d'un monde qu'il ne tolère pas.

Écrire, c'est le symptôme d'une inadaptation, d'un handicap : d'une mutilation ancienne ou récente. S'il écrit, ce n'est pas parce qu'il est talentueux, mais parce qu'il est dans l'incapacité de saisir son environnement sans l'écriture. Autiste sacralisé, l'écrivain ne semble même pas en mesure de communiquer avec autrui s'il n'écrit pas tout les jours.

Sans l'écriture, il est inapte à l'amour, à l’empathie, à la colère, à la révolte. Sans l'écriture, il est abruti et paralysé par les autres, lui-même, le monde.

Les temps où il écrit ne sont pas que des bouffées d'air. C'est aussi le moyen qu'un individu trouve pour se recentrer sur lui-même, et dans le cas de l'écrivain, c'est une nécessité vitale.

Sans cette tentative à écrire le monde, il se dissoudrait dans l'univers. Il éclaterait en mille et un morceaux de folie. Sans l'écriture, l'écrivain crève ou bascule dans l'altération mentale la plus sévère.

Alors, non : l'écrivain n'a pas le choix. Il écrit, il formule, il métabolise. Et les ricanements des uns qui moqueraient un besoin de reconnaissance n’entament en rien son besoin d'écrire. Écrire, c'est sa béquille. Sans elle, il tomberait.

En revanche, le succès auprès des lecteurs est dramatiquement dangereux pour lui. Depuis la solitude de son activité, l'écrivain qui est lu et loué, devient dépendant des attentes de son lectorat.

Écrire est pour lui un équilibre et une présence au monde plus que précaire. Dans le succès, il perd en solitude. Il perd en créativité. Il perd en agilité et en adresse. Il est comme alourdi par les attentes de ses lecteurs, des éditeurs, des médias aussi. Cette épreuve, il doit pourtant la passer. Sa version du monde doit être accréditée par les « autres » que sont les lecteurs, s'il veut subsister ; s'il veut être certain de la réalité. Ce sont ses lecteurs qui lui assurent qu'il n'est pas inconséquent, qu'il n'est pas incohérent : qu'il est présent.

Nouveau paradoxe : sans lecteurs l'écrivain se dissout, mais avec des lecteurs il devient si dense que l'implosion est un risque constant.

Écrire n'est pas une révélation soudaine. C'est un besoin vital pour certains mutilés de la guerre civile qu'est la vie sociale, familiale, conjugale, économique...

La littérature actuelle, à laquelle se consacrent Les Cahiers Polymères, est éloquente à ce sujet. Aucun de nos contributeurs n'a jamais eu une vie tranquille. Depuis le berceau jusqu'à ce jour, ils ont connu des pertes, la guerre, des violences, les peurs. Ils ont tous éprouvé bien des choses dans leurs chairs et refusent d'accepter ceci comme une exception.

Ils écrivent, parce qu'ils veulent constater les défaillances de ce monde ; les leurs, ils les connaissent déjà.

Ils écrivent, car ils refusent la psychologisation managériale qui affirme qu'il n'y a que des dysfonctionnements individuels, car le monde serait parfait pour qui s'en donne la peine ; le monde ils le revendiquent, mais au-delà de tout ce qu'on leur a permis.

Au final, ils écrivent pour se trouver des complices dans le crime qu'est le dépassement de ce si nauséabond présent.

Pour chacun d'eux, ceci est une nécessité.

Il en est ainsi pour Michel Berre qui nous livre ce qu'il a tu pendant des décennies en nous faisant part de son expérience largement partagée, et pourtant soumise au silence : la guerre d'Algérie.

Idem pour Joseph Kacem qui nous livre l'un des textes les plus anxiogènes qu'il n'ait jamais écrit, en traitant du phénomène du lynchage social et des dommages collatéraux que ces lynchages quotidiens produisent.

Même chose pour ValérY MeYnadier qui nous immerge dans un récit où la sensibilité de son personnage l'a conduit à l'exclusion sociale et familiale.

Pascal Nyiry aborde la psychiatrie, le mal et le droit à être et à faire malgré ce mal.

Deschamps nous a écrit la colère adolescente, l'abrutissement masturbatoire et le besoin d'amour et d'amitié particulière entre garçons.

Dans ce numéro, vous retrouverez aussi Dominique Bertrand dans deux petits contes, ainsi que d'autres auteurs (publiés ou non) qui ont voulu partager avec vous ce qu'ils font filtrer du monde de rage, de colère et de baston auquel chacun, chacune, tente de survivre.

Jérôme,

Président Simorgh du Gard

*Extrait des paroles de « L'angle mort » de Casey et Hamé, collectif « Zone Libre », février 2009, production La Rumeur Records & T-rec Records.

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