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Cahiers Polymères

Trimestriel de Haute-Résistance du Simorgh du Gard

Ligne éditoriale

Publié par Joseph Kacem

Ligne éditoriale Simorgh du Gard / Cahiers Polymères

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Créées en 2013 autour des ouvrages de Joseph Kacem, les éditions du Simorgh du Gard se sont donné les objectifs suivants :

1. La promotion de l'écrit face à la noyade du spectacle où l'écriture est diluée jusqu'à l'insignifiance dans la distraction d'une culture instantanément consommable et grossièrement « festive » ;

2. Trouver des moyens pour nourrir les auteurs malgré la gourmandise et le jeu pervers des subventions, dont l'industrie du livre s'alimente sans que les auteurs n'en voient jamais la couleur.

Ces objectifs soulèvent un profond questionnement sur la nature de l'écriture (sa place ainsi que son propos). Que dire ? Pourquoi le dire ? Et surtout : comment le dire et avec qui travailler pour se faire ?

Très vite ces interrogations débouchent sur un constat à propos des conditions économiques et sociales de celle ou celui qui écrit et publie.

Plus nous y réfléchissons, plus il est évident qu'il existe une véritable cassure entre ceux qui ont les moyens d'écrire et ceux qui ne les ont pas. L'écriture et ses médiocres « droits d'auteur » ne nourrissent pas les écrivains. Ces derniers doivent avoir d'autres ressources pour subvenir à leurs besoins.

Il y a donc ceux qui ont les moyens d'écrire et occupent l'espace littéraire local (rentiers, retraités, héritiers) ; et il y a ceux qui doivent se vendre comme ouvriers, caissières, serveuses ou vendeurs, tout en tentant de jouer habilement

avec les indemnités chômage pour se dégager du temps pour écrire, se faire éditer et se diffuser.

En creusant plus à fond, nous constatons que la nature des écrits de ceux qui en ont les moyens financiers est littéralement différente de la nature des écrits de ceux qui doivent jongler avec le RSA, les indemnités chômage, les petits boulots et les contrats d'intérim et à durée déterminée. Il en résulte une forme de ségrégation, et sociale et du style, dans la production écrite.

Pour vivre un tant soit peu de son écriture, un écrivain doit publier au moins deux titres par an, être diffusé, avoir un plan de communication efficace et avoir un éditeur qui lui paie ses droits d'auteur (ce qui est plutôt rare!). Un ouvrier ne peut avoir l'énergie, les moyens et le temps pour publier deux titres par an en y travaillant sur son temps libre. Il ne peut passer ses week-ends à courir les librairies, contacter des journalistes et s'adonner à des entretiens avec ces derniers (qui, de toute façon, bossent en semaine et rarement le dimanche). Il ne peut pas, en plus, tenir à jour ses comptes auprès de son/ses éditeur/s, et encore moins engager un avocat pour se faire payer ses droits d'auteur. Droits d'auteur qui, précisons-le, n'excèdent jamais les 20% brut du prix public d'un livre, et qui s'approchent plus généralement des 5 à 8% brut – ce qui ne peut même pas couvrir les frais dudit avocat si besoin est.

De nombreux écrivains manquant de revenus, pour pouvoir écrire pleinement, sont donc imités, ignorés, rabotés. Mais ils subsistent pourtant. Ils subsistent entre le marteau de l'industrie du livre et l'enclume de la nomenclature associative, institutionnelle et l'establishment des auteurs « qui ont les moyens ».

Ces auteurs dont les temps d'écriture sont mutilés ont toujours existé. Leur production fut longtemps appelée « littérature prolétarienne ». Ils n'écrivent pas leurs mémoires de jeunesse. Ils n'écrivent pas la beauté d'un paysage. Ces auteurs ne voyagent pas (ou peu). Ces auteurs écrivent le chômage, l'usine, les chantiers, le racisme, la frustration, les interdits, les vexations, le sexisme, les squats, la prison, la drogue.

Ces auteurs-là maltraitent les styles et les genres. Ils construisent leurs écrits à partir de ce qu'ils veulent dire, et non à partir des formes préétablies par des générations et des générations d'auteurs bourgeois. Auteurs bourgeois qui se perdent en métaphysique ou s'angoissent d'une page blanche, faute d'avoir quelque chose à dire.

C'est bien d'une guerre littéraire dont il s'agit. La guerre du fond contre la forme. La guerre d'une littérature qui ronronne dans ses habitudes passéistes, mais qui trouve en face d'elle une littérature actuelle, physique et sociale. C'est une guerre où les auteurs enragés sont craints et évincés des manifestations subventionnées s’ils refusent de passer la muselière que leur tendent leurs éditeurs (eux aussi subventionnés). C'est une guerre redoutable entre une littérature distractive et redondante, et une littérature qui se tague, qui se slame, qui se lit et qui se hurle. C'est une guerre entre une littérature de la fuite, de la nostalgie et de l'évasion, contre une littérature populaire et actuelle qui ne fait jamais que tendre un miroir aux lecteurs.

*

Ce sont ces auteurs insurgés et indisciplinés qui intéressent Simorgh du Gard. Ce sont les odeurs, les joies et les douleurs de cette littérature de la déflagration dont nous voulons faire la promotion. Ce sont leurs propos bruts et directs que nous jugeons pertinents. Ce sont pour ceux-là que nous sommes sortis du maquis de l'underground où les auteurs agonisent à force d'escarmouches isolées et toujours perdantes.

Simorgh du Gard n'est pas une énième maison d'édition associative. Simorgh du Gard est surtout et avant tout, une ligne de front qui se matérialise pour faire sortir de son ghetto la littérature actuelle et ses auteurs.

[...]

Pour ce faire nous nous dotons de ce dernier outil pour partager nos coups de cœur et nos nausées : Les Cahiers Polymères.

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Edito du numéro 1 des CAHIERS POLYMERES.

Jérôme B.,

Président du Simorgh du Gard,

le 8 décembre 2015.